Texte de Veronique Cabon
extrait
— Vous êtes une récidiviste ?
— Non ! protestai-je, j’ai juste tué mon mari il y a cinq ans. Mais j’ai payé ma dette !
L’agent ricana. Il avait le crâne rasé et des yeux inquisiteurs qui se dissimulaient derrière des lunettes rondes, à la John Lennon.
— Ce n’est pas possible ! me lança-t-il. Ce quartier est réservé aux fous ou aux ex-détenus irrécupérables ! Ce n’est pas un hasard si vous êtes ici…
Je haussai les épaules, blessée par son ton condescendant. L’adjectif « irrécupérable » ne me convenait guère. Je fis un effort pour lui expliquer ma situation :
— Je veux juste me réinsérer et trouver un travail…
Il ne me laissa pas le temps de terminer et explosa :
— Ha ! Ils disent tous ça ! Mais vous aurez tout ce qu’il vous faut ici ! Un métier, une maison et des voisins ! Ha ! Ha !
Il reprit son sérieux et me demanda d’une voix à peine audible :
— Pardonnez mon indiscrétion mais quelle fonction avait votre mari au sein du Gouvernement ? Je suppose qu’il devait avoir un poste important pour que vous vous retrouviez ici…
Je déglutis ma salive et annonçai d’un ton monocorde :
— Ministre…
L’agent s’esclaffa :
— Ministre ! ? Je le savais ! Ha ! Ha ! Elle a tué un ministre et elle se demande pourquoi elle est ici ! ! ! Quelle naïveté !
J’allais protester mais il continua son monologue :
— Vous allez voir… Vous serez très bien ici ! La famille Bizien occupe la première maison. Les trois adolescents sont des individus irrécupérables ! Dealers et toxicomanes avec ça ! Ils ont fait plusieurs séjours en prison ainsi qu’en cure de désintoxication. Cela n’a donné évidemment aucun résultat ! Etant donné le peu de places disponibles dans les pénitenciers, ils sont rentrés dans leur famille. Entre-temps, les parents sont devenus psychotiques. Ne cherchez pas une explication ! A force de se bourrer de médocs et de se reprocher d’avoir mal éduqué leur fils, ils ont fini par sombrer dans la dépression ! La famille a donc été intégrée dans ce quartier. La justice les a jugés « irrécupérables ».
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